Un couple d’ogres en mal d’enfant (à aimer, pas à manger) recueille une petite fille abandonnée dans la forêt. Pour elle, ils s’humanisent et l’élèvent en surmontant leurs instincts naturels. Mais, avec le langage, les questions viennent à l’enfant qui a pris conscience d’une différence entre elle et eux. Courageusement, parce qu’ils ne veulent que son bien, l’ogre et l’ogresse décident de la rendre aux siens. Quand il ramène au village l’enfant sur son dos, l’ogre est capturé, accusé d’enlèvement et d’avoir eu les noirs desseins conformes à sa nature. Le malentendu est total. Alors qu’il a été condamné sans procès, la petite fille le rejoint sur l’échafaud pour démontrer qu’elle n’avait rien à craindre de lui. Elle veut faire entendre raison à la foule haineuse mais ce n’est que dans l’oeil de l’ogre qu’elle trouve « l’étincelle ». Celle de l’amour qui peut vaincre les préjugés. En filigrane il s’agit bien de filiation, d’adoption, d’ostracisme, mais quel « message » faut-il entendre ? Énigmatique comme un conte, l’album n’en a pas le détachement ; les ogres, s’ils ressemblent aux Maximonstres, n’habitent pas l’inconscient d’un petit garçon mais se risquent dans un espace partagé ; la touchante Blanche n’est ni l’ingénieuse Zéralda ni la tranquille Tiffany des Trois brigands. Entre deux tentations, celle de partager un élan confiant, généreux et celle d’adhérer à la peur que suscite le mal, le lecteur cherche des indices dans cet univers sombre, terrifiant, zébré de traits de fusain noir, où le texte, elliptique, poétique, ajoute à l’angoisse et au mystère.